\ Ode à l’imposture
Toi, syndrome de l’imposture
Je défie quiconque, qui me dira ne jamais t’avoir rencontré dans sa vie
Aujourd’hui, je veux te confronter
Et répondre « oui » à cette question :
Si je n’excelle pas dans une chose qui me plaît suis-je légitime à la proposer aux yeux du monde ?
Depuis l’enfance il m’a toujours été difficile de choisir une voie
Comme beaucoup dans mon entourage je réussissais sans trop d’efforts
J’étais plus ou moins bonne en tout, mais jamais vraiment excellente en rien
Si au lycée je travaillais plus dur, c’était pour intégrer un enseignement encore généraliste en classe préparatoire
Depuis petite, je me suis toujours intéressée à beaucoup de choses différentes,
J’ai eu beaucoup de passades, beaucoup de curiosités éphémères.
Je ne me souviens pas d’avoir été vraiment obsédée par une activité jusqu’à vouloir y exceller
J’ai toujours aimé avoir une vision assez globale des choses même si j’aurais aimé tout savoir
Je pratiquais des activités, piano, dessin, théâtre tout en étant persuadée que je n’avais aucune prédisposition pour elles
Elles n’étaient pas pour moi, elles étaient pour les autres
Je sentais ta présence plombante qui me jugeait
Oui.La confiance en moi était plus que balbutiante.
Je n’ai jamais voulu être la meilleure des meilleures dans une activité particulière contrairement à d’autres où une appétence naturelle se dessinait
Pourquoi n’avais-je donc ce don particulier pour rien alors que cela semblait si important pour assurer mon futur ?
Tentée en premier lieu par Science Po je décide de rester en Khâgne, fascinée pour toutes ces matières excitantes bien que je sois médiocre en tout !
Pour moi, toutes ces matières semblaient être les différentes facettes indissociables d’une seule et même réalité
Impossible de m’orienter qu’avec une matière, bonne nouvelle, l’histoire et la géographie ont la particularité d’emprunter à beaucoup d’autres sciences humaines
Et dans le fond, elles ont un sens particulier pour moi
D’ailleurs c’est un défaut que me révèle mon professeur d’histoire : je cherche trop à trouver le sens profond de ce que j’étudie
A l’entrée dans la vie active tu me mets vraiment à rude épreuve
A chaque fois il semble qu’il manque une case dans mon parcours pour combler les attentes des recruteurs,
Patrimoine sans histoire de l’art, tourisme sans BTS tourisme, diplôme mais sans expérience, expérience mais sans diplôme
Mais comment peut-on dument évaluer tes compétences dans cette cacophonie me dis tu!
Aujourd’hui alors que j’ai appris seule un métier que j’aime en partant de zéro
Tu me confrontes encore à ça !
Décidée à être maquilleuse bénévole auprès de femmes démunies, c’est un non catégorique que je reçois faute de présence de diplôme adéquat.
De toute façon la pandémie a arrêté nette ce début d’ambition.
Mais grâce à elle la quête de légitimé que tu m’a imposé se fissure vraiment cette fois
Je me rends cette fois vraiment compte que tu me brimes, me pousse à une inextricable autoflagellation complètement stérile
Je vais te le dire cette fois, tu n’as plus d’importance
En tout cas tu en as beaucoup moins
Mais je vais quand même travailler à me le rappeler tous les jours.
Sache que j’ai noté toutes les petites batailles que je compte gagner
Sache que tout ce que je fais et qui me rend heureuse est légitime.
J’ai écrit, j’ai raconté ici qu’accepter ma vulnérabilité c’est me soustraire à ton besoin de légitimité;
Même si cela semble imparfait, même si cela manque de technique pour le perfectionner.
L’important est d’avoir osé proposer,
d’avoir aimé imaginer, d’avoir permis à une idée d’exister.
Sache que j’ai bien pris acte de la manière dont tu as bridé mes petites ambitions, étouffé mon esprit créatif
Pourtant j’ai bien compris aujourd’hui que la créativité est l’essence de mes envies, alors que je n’avais jamais vraiment pris pleinement conscience de tout son potentiel
Il paraît même que c’est l’un des traits caractéristiques des tempéraments hypersensibles
Cette créativité s’exprime dans tout ce que je vis : imaginer, écrire, cuisiner, maquiller, décorer, bricoler et que sais-je encore.
En tout état de cause la machine est bien lancée : Le fourmillement de mes idées s’intensifie à chaque réalisation de l’une d’elle
Tu vois, en aucun cas je n’ai besoin d’exceller dans quelque chose pour l’autoriser à exister.
Depuis l’année dernière j’ai même commencé à offrir des cadeaux faits de mes petites mains,
Des cadres de décoration, des dessins qui retranscrivaient bien mes émotions pour les personnes concernées.
Rien n’était parfait. Et pourtant je suis vraiment fière d’avoir osé offrir ces choses imparfaites à mes proches
Parce que j’y ai mis toutes les meilleures intentions.
Ces derniers temps j’ai voulu commencer à créer d’autres petites choses :
Des marques-pages, des petites cartes. Des choses que je trouvais vraiment jolies, qui ont du sens pour moi.
A l’aquarelle j’ai créé des « cartes de gratitude », pour rappeler à chacun de mes proches combien je les chéris et les remercie d’être dans ma vie
Des marque-pages fleuris, peut être aussi des cadres décoratifs…
Peut-être oserais-je bientôt en mettre certains en vente.
J’ai déjà même trouvé le nom de cette petite entreprise encore imaginaire, et même si ça ne fonctionne pas je ne me serai pas trompé.
Sache qu’aujourd’hui j’écris ce texte pour me rappeler
Que j’ai tout à gagner
En osant l’imposture